samedi 13 juillet 2019

"Soumission à l'autorité" de Stanley Milgram



Résumé : Le nom de Stanley Milgram ne vous évoque peut-être rien. Son expérience en psychologie sociale, en revanche est incontournable et beaucoup la connaissent. Entre 1950 et 1963, sous prétexte de tester les effets de la punition sur la mémoire et l'apprentissage, Milgram et son équipe demandent à des volontaires d'infliger des chocs électriques à un participant (complice). Ces chocs seront de plus en plus forts à chaque erreur dans la réponse, avec un maximum de..... 450 V. Le comédien, qui soit disant reçoit des chocs électriques, doit à partir de 150 V crier de douleur puis peu à peu, hurler, supplier, jusqu'à un silence inquiétant. Beaucoup de sujets iront jusqu'au bout.
Très décriée lorsque ses résultats furent publiés, cette expérience est pourtant d'une rigueur et d'une maîtrise implacables. Stanley Milgram n'a rien laissé au hasard et présente dans cet ouvrage son mode opératoire, les différentes variantes de l'expérience mais également ses conclusions sur la soumission à l'autorité.

Pourquoi ce livre : parce que la désobéissance est un sujet philo qui me passionne et que l'expérience de Milgram est un classique en psychologie qui sert de base à de nombreuses réflexions.

Avis : J'ai refermé ce livre un peu groggy, sonnée par le contenu et le message. Qu'aurais-je fait ? Jusqu'où aurais-je pu aller ? "Aurais-je été meilleure ou pire que ces gens ?" comme le dit si bien la chanson....
Stanley Milgram ne juge pas les participants, il rend simplement compte des comportements qu'il a pu observer. Là où les psychiatres consultés en amont lui annoncèrent que seuls 2 à 3 % de la population testée serait susceptible d'aller jusqu'au bout des 450 V, c'est plutôt le chiffre de 75 % qui ressort de l'expérience.
Sommes-nous tous des tortionnaires en puissance ? N'avons nous aucune morale, aucun libre arbitre ?
La force de ce compte-rendu, c'est de décortiquer tout ce qui peut se passer pour aboutir à ce terrible résultat. La réalité est très nuancée et dépend d'énormément de facteurs. Une chose est sûre, une fois qu'on est confronté à l'autorité (à quelqu'un qui représente pour nous l'autorité), il est très difficile de ne pas faire ce qui nous est demandé, même si cela va à l'encontre de nos valeurs. 
"... si l'on comprend bien ce qui a été observé, c'est-à-dire la facilité avec laquelle l'individu peut devenir un instrument aux mains de l'autorité et, une fois cette définition de lui-même admise, l'incapacité où il se trouve de se libérer de son emprise." (p. 215)
Beaucoup de sujets ont verbalisé le fait qu'ils étaient contre, que la personne souffrait, qu'elle suppliait d'arrêter mais n'ont pas pu mettre leurs actes en cohérence avec leurs pensées. L'auteur parle également de dilution de la responsabilité dans la tête des participants (ce n'est pas moi le responsable, on me dit de le faire). Ce qui bien sûr est totalement faux !
"Ce que [l'expérience] cherche avant tout à prouver,  c'est que les actes de destruction accomplis dans la routine de la vie quotidienne sont le fait d'hommes ordinaires qui obéissent simplement aux ordres." (p. 200)
Certaines variantes offrent cependant des conditions qui permettent d'arrêter plus facilement : d'autres personnes dans la pièce refusent de continuer, l'expérimentateur n'est pas physiquement présent, etc. Ouf ! Tout espoir n'est pas perdu.
Le langage est parfaitement accessible, Stanley Milgram voulant toucher le plus grand nombre. 
Cette expérience a inspiré le film I comme Icare avec Yves Montand.
Publié dans l'après-guerre, après la découverte des atrocités nazies, cette expérience résonne pour longtemps. Vous vous intéressez au sujet ? Vous faites des études de psycho ? Ne passez pas à côté de ce livre !

Calmann-Lévy, 2017 pour cette édition, 253 p.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire